Le monde toi tu le rêves à ta manière.

Ton papa voit tes petits défauts comme des handicaps pour ta future vie. Il te voudrait tellement plus dans tes chaussures au lieu d'y être à côté. Toi tu vois ces handicaps comme des cadeaux dont tu aimes prendre soin. Trop rêveuse tu construis ton univers te perdant parfois dans le monde que tu te crées. Bien loin de celui où tu vis. Si Ismaël croit aux vampires toi tu crois encore aux fées. Et peut importe si cela embête les adultes. Mais tu es une adulte te crierait ton papa s'il lisait cela. Tu penses que l'on peut saisir tous les sentiments des gens dans un trait de crayon et tu es doué pour ça. Mais au lieu de pouvoir approfondir ton art tu perds ton temps dans un amphithéâtre pour des études de droit. Merci papa. Tes frères ont toujours été tes doudous préférés, pourquoi vouloir une peluche alors que les bras de tes frères valent tous les doudous du monde. Enfin surtout ceux d'Ismaël, parce que lui aussi vit dans son monde mais tu sais comment y entrer. Tu as trouvé la clé depuis bien longtemps. Et là encore les adultes voient le mal où il n'est pas. Mais quel mal y a t-il a retrouver son frère dans son lit certaines nuits. Même encore aujourd'hui. Malsain dit papa. Avec Andreas c'est plus terre à terre mais tu ne lui en veut pas, parce qu'il t'offre une autre vision du monde. Et sa vision tu l'aimes aussi, même si elle est plus difficile à admettre, à accepter. Il te comprend aussi et il ne brise pas tes rêves, il te protège juste pour que la chute soit moins dure. Papa n'aime pas ça non plus. Il y a une chose que tu aimes encore faire pendant des heures, c'est t'allonger dans l'herbe et regarder le ciel. Tu cherches dans les nuages des formes. Si certains ne voient rien, toi tu y vois des lions, des dinosaures, des lapins, des dauphins, des instants de bonheur que tu voles dés que tu le peux. Un instant que tu partages parfois avec tes frères. Et là l'enfance et l'innocence reviennent vous effleurer. Bien sur derrière la demoiselle marshmallow se cache une femme déterminée, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui sait ce qu'elle veut. Parfois elle te fait peur cette demoiselle là. Parce que toi tu préfères celle toute douce qui vient chercher la sécurité dans les bras de ses frères. Les hommes sont loin de faire partir de tes priorités, bien entendu comme d'autre tu as gouté au fruit défendu, et pas qu'une fois. Mais tu ne peux te donner sans sentiments, sans amour. Tu as une vie saine. Tu aimes t'amuser. Sortir. Voir des amis. Mais l'alcool et les cigarettes ce n'est pas fait pour toi. Faut pas croire que tu es une sainte mais tu vois le monde en essayant d'effacer sa noirceur. Chose compliqué mais tu t'appliques dans cette tache. Papa pense que tu perds ton temps le monde ne pas être comme tu aimerais qu'il soit. Tu écris des poèmes et souvent tes mots te font peur. Ils reflètent ce que tu vois vraiment quand tu ouvres les yeux sur la réalité du monde qui t'entoure. Tes écrits tu les caches seul tes frères ont eu le loisir de lire tes lignes. Papa aime briser tes rêves, il te fait redescendre avec violence sur terre. Disant que tu n'es plus une enfant. Alors tu fuis et les seules personnes dans ces instants là vers lesquelles tu te tournes se sont tes deux grands frères. Ismaël et Andreas. Rêver est le pire de tes défauts et la vie se charge de te le montrer à chaque pas que tu fais. Mais tu sais que si tu trébuches tes frères seront toujours là pour te relever. Et ça cela vaut tous les rêves du monde.

Allongée dans l’herbe loin des bruits de la ville. Tu observes. Silencieuse tu écoutes le monde qui t’entoure. Le ciel bouleverse tes yeux tellement il est bleu. Le vent vient se glisser dans tes cheveux. Une odeur sucrée plane et t’enivre. Pas de nuage pour aiguiser ton imagination. Mais cela ne te rend pas triste. Au contraire. Tu aimes quand le ciel à cette couleur presque irréelle. Tu allonges tes bras le long de ton corps. Tu ressembles presque à un I parfait. Ta tête servant de point. S’il y avait de la neige, tu jouerais au jeu de l’ange en agitant des jambes et tes bras. Mais il n’y a pas de neige alors tu restes immobile. Tes yeux perdus dans ce ciel sans fin. Tu essaies de deviner ses frontières. D’inventer ce qu’il cache. Et tu fermes les yeux pour que cela soit encore mieux. Là des formes s’invitent. Rien de bien concret au départ. Une esquisse. Que tu rends plus réelle au fur et à mesure que tes pensées se font plus sures. Tu vois des courbes qui s’étirent. Des murs qui se dressent. Des formes qui s’agitent. Tout est doux. Rien ne t’agresse. Alors ton bras se lève et tu suis du bout de tes doigts les formes qui deviennent plus précises. Tu emplis l’espace vide du monde que tu crées. Et c’est beau. Tellement beau. Qu’une larme vient glisser sur ta joue. Comme ça. Et tu vois une rivière. Et un soleil rouge. Des étoiles qui dansent. Et des arbres qui marchent. Tout s’emmêle alors que ta main n’arrive plus la suivre le fil de tes pensées. Le bleu se marie au vert. Le rouge au jaune. Le rose s’invite dans le gris. Le marron suit le vert. Un rire cristallin éclate de tes lèvres comme si des coupes de champagne se cognaient dans le ciel. Cette rêverie est coupée par la sonnerie de ton portable. Maudit portable. Il vient faire danser la réalité dans les couleurs de ton dessin irréel. Et tout s’emmêle. Les couleurs se mélangent. Les formes s’entrechoquent. Et tout s’effondre. Avec rage et douleur. Une larme s’arrache de ton œil. Mais celle là est faite de tristesse. Alors tu t’assoies et tu regardes l’écran de ton portable. Papa. Comme quoi il sait toujours te remettre sur le chemin de la réalité. Mais tu ne réponds pas. De toute façon tu sais ce qu’il va te dire. « Teagan tu n’es pas en cours. Tu es où. Encore dans les nuages. Bon sang c’est quand que tu vas te décider à grandir. » Ses phrases  tu les connais par cœur. Tu les entends depuis si longtemps. Toujours le même discours. Mais toi tu t’en fou. Tu lui en veux juste parce qu’il a gâché ton rêve. Alors tu te lèves. Tu décides de rejoindre Ismaël dans son garage. Tu sais que tu y trouveras un abri des plus accueillantes. Tu sais que lui ne te maudiras pas de ne pas être allée en cours. Tu pousses la porte et il est là. Il est beau ton frère. Surtout quand il bosse sur son bateau. Il a un don. Il donne vie à tout ce qu’il touche. Tu lui souris avant de venir te blottir entre ses bras. Comme un petit animal blessé tu te presses contre sa poitrine. Son cœur raisonne contre le tien. Tu respires son odeur. Là tu te sens en sécurité. Et tu n’as pas besoin d’y dire que tu as loupé les cours. Il le sait. Il ne te demande pas pourquoi tu viens chercher refuge ici. Il s’en doute. Vous êtes tellement pareil sur certains points. Ce besoin de vous évadez dans des mondes que vous imaginez. Ce besoin d’être ailleurs tout en restant sur terre. Alors tu t’assois dans un coin. Et tu le regardes. L’enveloppant de cet amour puissant que tu lui portes. Tu récupères une feuille, un crayon et naturellement tu le croques. Ne laissant passer aucun détail. Et vous restez silencieux. Parlant qu’au travers de vos yeux. Tu vois son amour quand son regard vient à la rencontre du tien. Au travers de ses yeux tu te retrouves enfant, adolescente et puis femme.  A chaque étape il est là pour toi. Même dans ses silences qui sont tellement troublants. Vous échangez un sourire. Tu lui montres ton dessin. Tu l’accroches avec les autres. Tu tapisses peu à peu les murs de son garage de tes œuvres. Des parties de ton cœur qui ne sont que pour lui. Et puis tu viens à nouveau chercher ses bras avant de te glisser hors du garage. Prête à affronter la colère de papa. Enfin pas tout à fait si tu peux y échapper et bien tu le feras. Tu rentres dans la maison. Tu entends du bruit. Ton cœur accélère. Mais c’est Andreas qui pointe le bout de son nez. Tu te jettes dans ses bras. Profitant d'un autre câlin tout tendre. Tu es trop heureuse que cela ne soit pas papa. Tu lui souris. Tu comprends à sa tête qu’il sait. Mais il ne te réprimande pas. Ce n’est pas à lui de le faire. Et tu n’es plus une gosse. Alors tu l’entraines dans ta chambre pour lui faire lire tes derniers textes. Des textes qui t'ont arraché des larmes amères quand tu les as écris. Et tu te colles contre lui, pendant qu'il lit. Tu le sens troublé comme à chaque fois qu'il effleure tes mots. Tu ne l’as pas vu depuis quelques jours. Faut dire qu’Andreas ne passe pas son temps à rêver lui. Il s’occupe de la société de papa. Un jour il en prendra la tête et toi tu repeindras tous les murs des bureaux. Tu y mettras du rêve. Juste pour rendre cet univers moins oppressant et beaucoup plus vivant. Tu l’as déjà proposé à papa. Mais bien entendu il a dit non. Un non ferme et définitif. Mais tu sais qu’Andreas dira oui. Même si parfois il te reproche d’avoir la tête dans les nuages. Votre lien n’a rien à voir avec celui que tu partages avec Ismaël. Tu as même du mal parfois en pensant qu’au fond ils sont jumeaux. Neuf mois unis dans le ventre de votre mère et au final deux hommes si différents. Mais tu les aimes autant l’un que l’autre. Tu aimes leur sourire. Le regard qu’il pose sur la femme que tu deviens. Même si tu aimerais avoir encore dix ans. Juste parce que c'était bien. Tu chéris les instants que vous avez partagé. Tu aimes les instants que vous partagez. Trouvant qu'en grandissant ils deviennent plus précieux car ils sont moins nombreux. Sans tes deux grands frères tu ne serais pas la même. Il y a en toi un part de ta personnalité que tu ne dois qu'à eux. A leur manière de t'aimer. A leur manière de te traiter comme une princesse, ce qui t'embête plus qu'autre chose. Mais ça tu ne leur dis pas. Car tu abuses de ce point là. Ils t'ont aidé à grandir. A franchir les épreuves. Ils t'ont aidé dans tes premiers pas. Ils ont soulagé tes peines. Essuyé tes premières larmes. Survolé tes premiers poèmes. Ils ont fait de ta vie un rêve éveillé. Sans Ismaël et Andreas, Teagan ne serait pas Teagan. Et ça c'est la plus belle des réalités.