one
Tu rigoles comme un idiot. A te tortiller dans tous les sens pour tenter de lui échapper.
« Naaaaan ! Clyyyyde ! Arreeeeteuuuh ! » Tu tentes de répliquer, mais c’est peine perdu. Du haut de ses dix ans, il te domine bien largement. Alors tu cries à ton frère de venir t’aider. Mais il se contente de rigoler. Alors tu finis par abdiquer. Le sourire aux lèvres, tu cesses ta rébellion pour te plier à la volonté de ton frère. A toi de compter. Encore. Tu te lèves tandis que les chiffres défilent déjà tout bas. Les deux grands partent se dissimuler dans un coin de la maison. Tu finis par les trouver. Et ça finis un peu comme dans les films. Epuisés dans le grand lit de maman. Allongés les uns contre les autres. La tête sur l’ainé, le bras sur le cadet. Tu fermes les yeux puis tu souris. Heureux.
Elle est jolie la scène. Trois frères qui s’amusent. C’est simple. C’est beau. T’aurais voulu que ça ne s’arrête jamais. T’aurais voulu garder cette présence un peu rassurant. Ses rires et ses conneries. Ca te donnait envie de grandir. D’être comme lui. Mais un jour, il est parti. T’avais douze ans quand il a passé la porte pour ne plus jamais revenir. T’as eu mal. Tellement mal. Tu t’es senti abandonné. Délaissé. Oublié. Le p’tit con qui restait à la maison dans l’attente du retour de son modèle sur terre. Alors t’as décidé de grandir. De faire comme ci. C’était pas évident. Tu te sentais seul. Pourtant, t’as appris à faire semblant. Semblant d’aller bien. Semblant d’être heureux. Comme avant.
Juste comme avant.two
Il y a ce silence qui te fait face. Une nouvelle fois. Alors, la question reste en suspense. Encore. Toujours. Qui est-il ? Pourquoi n’est-il pas là ? Ne t’aimait-il pas ? Et pourquoi ? Toutes ces questions qui se heurtent dans ton esprit tourmenté.
Papa. T’aurais aimé l’appeler comme ça. Ton géniteur. C’est moche comme mot géniteur. Ca fait loin. Ca fait dur. Ca fait mal. Puis surtout, ça rime avec malheur. Douleur. Et puis peur. Ca rime avec cœur aussi. Voleur de cœur. Alors parfois, tu te surprends à rêver. De tout. De rien. D’un père super-héros. Ou bien agent secret. Un truc un peu fou. Puis finalement, tu retombes sur terre. Violemment. C’est probablement qu’un tocquard. Qu’un connard. Un mec un peu salaud qui a préféré se barrer plutôt que d’assumer. Alors tu préfères oublier. Mettre ça de coté pour ne plus y penser.
Pauvre con.three
Tes yeux se perdent sur ses lèvres. Ces lèvres qui s’étirent dans un sourire. Il est beau. Sa main vient se poser sur ta hanche alors qu’il s’approche de ton oreille pour y souffler une connerie. Tu ries. Un rire franc et sincère. T’aimes bien être avec lui. Lysandre. Lui, puis Dmitri.
Tu n’avais jamais réalisé avant. Trop occupé à faire comme les autres. A te perdre dans la masse informe de cette société conformiste. T’avais pas réalisé que t’étais différent. Que tu aimais différemment. Mais là, tu l’sens. Tu l’sens que t’as envie de ses lèvres. De son corps. Alors tu souris encore lorsqu’il vient se coller contre toi pour te souffler une autre connerie. Ca t’fait frissonner un peu. Juste un peu.
La pièce se vide. Y’a plus que lui et toi. Lui et toi un peu torché. Vous rigolez comme des idiots à une blague même pas drole. Puis tu sais pas pourquoi, tu l’attires contre toi. D’un geste tendre. Un peu maladroit. Puis tes lèvres viennent rencontrer les siennes.
La réaction se fait attendre. Un peu. Le temps de réaction est altéré par l’alcool qui coule dans ses veines. Pourtant, elle ne fait que la ralentir. Par l’attendrir. La réaction est violente. Il te pousse. Brutalement.
« Putain ! Sale pd ! » Tu te retrouves comme un con fasse à lui. La bouche légèrement ouverte, abruti par l’alcool. Tu clignes des yeux.
Sale pd.four
Tu te caches derrière ton sourire. Plus que n’importe quand. Tu fais comme si les remarques te touchaient pas. Mais t’as mal.
Peu importe. Tu sors. Tu ries. Tu fais comme si tout allait bien. Tu oublies que ton frère t’ignore dès que tu essaies de le joindre. Que Lysandre et Dmitri s’amusent à t’humilier à chaque fois qu’ils te croisent. Que ta mère a carrément cessé de te parler. Tu t’évades dans la photographie quand le besoin s’en fait sentir. T’aimes ça, la photographie. C’est beau. Il parait que t’es doué. T’aimerais faire ça plus tard. Des études de photos puis devenir professionnel. C’est un rêve un peu utopique. Tu le sais. Beaucoup de personnes pour peu de place. Mais tu t’en fou. T’es un gamin déterminé. T’y arriveras, c’est tout. Rien que pour donner une leçon à tous ces cons.
Pan, dans vos dents.five
« Alors Victor, t’as décidé de muscler ton petit cul de pédale ? » Elles te fatiguent toutes ses remarques. Elles sont moins violentes que celles de Lysandre, mais elles sont là.
« Va t’faire mettre Dmitri » Il rigole. Il se fout de ta gueule. Pour changer. Il s’approche de toi tandis que, un à un, les autres élèves quittent la douche puis le vestiaire.
« M’approche pas, connard » Tu l’sens son regard. Son putain de regard.
« C’est pas plutôt à toi de te faire mettre ? » T’as pas bien compris comment ça s’est passé. Comment des gémissements de plaisir ont fini par s’échapper de tes lèvres sous les coups de reins du délinquant. Mais ça s’est fait. Et c’était bon. Putain c’était bon.
« … Tu l’dis à qui que ce soit, j’te jure que j’te bute ». T’as souris. Doucement. Mais t’as rien dit. Alors, tout doucement, tu t’es barré.
Juste comme ça.
six
Ca a continué. Vous deux. C’est pareil, tu sais pas bien pourquoi. Y’avait un truc un peu sauvage. Puis tellement bon. C’était déstructuré. Un peu violent. Un peu fragile. Et parfois. Parfois, il y avait cette petite touche de tendresse un peu étrange. C’est fou comme c’était vous. Paradoxalement paradoxale. Ce sentiment de haine intense qui pouvait se transformer en un volcan explosif de fougue et de passion. Il te disait des trucs dégueulasses. Et toi, tu l’griffais. Le mordait. Marquait sa peau de ton passage. C’était spécial. Mais putain, y’avait rien de comparable. C’était fort. Bandant. Exaltant. C’était ce truc un peu décadent qui rend dépendant. Un truc stupide.
Mais il a fallu que ça se termine. Violemment.
« Bordel mais c'est quoi ça putain pédé d'merde ?! J'vais t'buter ! » T’as sursauté en entendant sa voix. Et tu t’es relevé immédiatement. Lysandre.
« C’est pas s’que tu c… » PAF. Première coup de poing. Un gémissement s’échappe de tes lèvres ouvertes. Le sang commence déjà à couler.
« Ta gueule tafiole ! » PAF. Le deuxième coup tombe. C’est fois ci, c’est l’arcade qui prend. Tu gémis de douleur.
« Connard ! » Tu tentes de répliquer un peu maladroitement. Et Lysandre ne manque pas de te répondre avec les poings. Tu comprends rapidement que ta force physique ne servira à rien. Alors t’utilises tes mots.
« T’es qu’un con p’tain ! Admet le qu’t’aimes les mecs au lieu d’me frapper ! » Les coups se font plus violent. Tu peines à les éviter. Dmitri est là. Il regarde. Sans rien dire. Sans rien faire. Il regarde son amant se faire démonter la gueule. C’est violent. Insoutenable. Les coups pleuvent. Coups de poings. Coups de pieds. Les larmes coulent sur tes joues. Tu veux pas supplier. Pas Lysandre. Alors t’appelles Dmitri. Tu gémis son prénom entre deux cris de douleur. Mais rien. Pas de réaction. Si ce n’est plus de violence. Puis c’est le coup en trop. La tête. Les coups pleuvent encore quelques secondes. Puis le silence. Silence de mort. T’es là. Effondré par terre dans une position un peu étrange. Nu. Le corps plein de sang. Inconscient.
Putain.
end
T’aurais pu crever. T’aurais du crever. Mais tu t’es réveillé. Deux semaines après, t’as ouvert les yeux. Mais rien. Plus rien. C’est le noir intersidéral qui t’a répondu. T’as paniqué en voyant rien. Puis près de toi, tu l’as entendu. Cette voix. Cette voix à la con qui te disait des mots affreux.
« Je suis désolé … Vous ne reverrez plus jamais » Ca s’ra le noir. Pour toujours et à jamais. Dans ton cœur. Dans ton âme. C’est le noir qui s’infiltre un peu partout. Tu vois plus. Et tu verras plus jamais. Rien. Ni personne.
Adieux tes jolis rêves de photographes.
Adieux la beauté du monde.
Adieux l’espoir.
Doucement, tu t’es mis à pleurer.