The name of mad is written everywhere ~ Len

Encore une putain de journée qui continue. Ça te fatigue à l'avance. Tu préfèrerais rester là, allongé dans le lit mais tu dois te lever, de toute façon une infirmière va pas tarder à passer pour t'obliger à venir à ta séance de rééduc'. Alors avant que la nana arrive, tu te lèves et t'enfile un short qui traîne par-là, te moquant de mettre un haut. « Bonjour Lennon. » T’as envie de lui faire bouffer ses mots. Personne ne t’appelle Lennon. C’est Len. Lennon, c’est ce chanteur rêveur auquel t’es tout le temps comparé et ça t’énerve. En plus, ça te rappelle ta mère. Elle kiffait ce mec et ses chansons. Mais tu dis rien et tu te lèves pour attraper les béquilles qu’elle te tends. Tu poses tes deux pieds par terre et grimace quand le gauche porte un peu ton poids, te laissant porter par l’autre jambe. Tu l’écoute à peine et tu vas à ton rendez-vous. T’as assez l’habitude pour y aller tout seule maintenant, puis de toute façon c’est bientôt fini, encore un peu et on t’enlève cette medre métallique autour de ta jambe. Encore un peu et tu marcheras de nouveau comme avant. Mieux aussi, paraît-il. Tu entre dans la grande salle, des gens sont déjà là, certains sur des machines, d’autres avec des médecins. Toi tu rejoins ton kiné attitré, il t’attend près des barres. « Bonjour Len, comme va ta jambe ce matin. » Tu hausses les épaules et tu te laisses t’asseoir sur la chaise alors qu’il commence à retirer la carcasse qui maintien ta jambe et qu’il commence à la tripoter et la masser. « Ça va. Elle tire un peu mais j’arrive à marcher. » Les premiers temps, tu marchais même pas. Tu pouvais même pas poser ta jambe au sol tellement tu avais mal. En même temps, elle s’était retrouvée en contact direct avec un rocher quand les vagues t’oint portées vers la falaise. « Bien. Tu sais qu’après ta séance, on verra pour t’enlever les béquilles. Tu te sens prêt ? » C’est le bon point de ta journée, savoir que tu rentreras dans ta chambre sans les béquilles, juste avec l’atèle. Au moins t’as une preuve de tes progrès. « Ouais. » Tu laisses les béquilles et tu te lèves sans trop de difficulté, tu vas doucement et t’attrape les barres dans chacune de tes mains pour commencer les premiers exercices.

Tu sais très bien comment tu t’es retrouvé dans cet hôpital. C’est pas ton premier séjour ici, ça doit être le deuxième, tout du moins pour une longue durée. Le premier, t’avais treize ans, tu venais d’avoir un accident de voiture, une sortie de route. Ta mère y est restée, toi t’as survécu, dans le froid, sans pouvoir bouger tellement t’avais mal partout. On te disait que c’était bon signe, t’avais peur. Les pompiers ont mis du temps à vous trouver, personne ne savait que vous aviez eût un accident de voiture, ta mère te ramenais de ton cours de guitare et vous viviez que tous les deux, t’étais pas censé voir ton père avant les deux jours suivants.
Mais là, c’est pas un accident de voiture qui t’as emmené ici. C’est juste une mauvaise chute. T’allais à la plage avec des amis, tu voulais pas sauter des rochers en bord de mer, nana, toi tu voulais sauter de la falaise. Tes potes voulaient t’en empêcher mais tu les assurais que tu risquais rien alors t’y es allé. Et t’as sauté. Le remous des vagues a fini par t’entrainer vers des rochers et ton côté gauche s’est retrouvé coincé entre ton propre poids, la force des vagues, et la falaise. Tu t’es réveillé à l’hôpital, ton père était là et chuchotait avec le médecin. Mais t’as clairement entendu ton daron raconter tes petits exploits à droites et à gauche, tes escapades sur les toits, ta promenade sur le pont du chemin de fer, l’escalade dans les arbres. Et encore plein d’autres choses que tu fais depuis tes treize ans. Alors le médecin a dit un mot. Un seul. Que tu sais écrit en bras et en italique sur ton dossier. Suicidaire.
Sauf que c’est pas le cas. Si tu voulais mourir, tu l’aurais fait depuis longtemps. Toi tu veux vire, t’aime la vie, mais elle manque de ce petit piquant d’adrénaline que tu retrouves que dans des situations que certains jugent dangereuses mais qui le sont pas pour toi. Tu te redresse quand tu remarques que ton kiné te dit d’arrêter les exercices et tu vois que t’étais plongé dans tes pensées depuis un bon moment. Tu le rejoins sans te tenir, comme pour les précédents allers-retours. Ta jambe te fait plus trop mal, elle se réhabitue. Le médecin te remets ton atèle et te dis de rentrer à ta chambre, qu’il te verra le lendemain. L’après-midi, t’as rendez-vous avec une autre kiné qui s’occupe de te faire d’autres exercices.

T’apprends en rentrant à ta chambre que tu vas avoir un colocataire. Accident de voiture paraît-il. Toi tu t’en fou, au moins tu seras plus tout seul pour le peu de temps qu’il te reste à passer ici. Tu regardes le nouveau recevoir les instructions de l’infirmière. Tu dis rien alors que tu appuis ton côté gauche sur le chambranle de la porte T’attends que la femme soit sorti pour toussoter et montrer ta présence. « Je te souhaiterais bien la bienvenue mais à voir ce qui t’accompagne, t’es pas là pour tes bras. » Ouais, sarcasme en direct. Tu t’en fou, de toute façon ce mec doit pas pouvoir se lever pour te mettre une beigne alors tu t’en balance. Au moins, s’il s’énerve, tu seras plus tout seul dans le silence de cette chambre trop blanche et déprimante, loin des couleurs de ta vie. « Si jamais, je ronfle pas la nuit et je fais pas de crises nocturnes. » Tu t’installes sur ton lit, de toute façon tu peux pas faire grand-chose d’autre, ta séance du matin t’as un peu fatigué. « Ha, et moi c’est Len, et toi ? »