le vagabond (jad)

you're ripped at every edge but you're a masterpiece. @SKINKED + groupe. ★★★

un. c'est l'homme aux sourires déchirés, aux vaisseaux sanguins éclatés sur la rétine, veines ouvertes sous l'arcade sourcilière et sillons écarlates sur les pommettes. Le tableau éventré de ses caprices abjects, marqué au fer fumant de la violence et des nuits sans sommeil. Son épiderme en est imprimé, zébrures blanchâtres, ecchymoses mauves et plaies ruisselantes de sève vermeille. L'homme à la carapace craquelée, fêlée par le vent et calcinée par le soleil. Crevassé, rongé, fané. deux. boîte métallique disloquée, cabossée par les soupirs impétueuses du vent. Ses freins sont érodés, le caoutchouc de ses pneus entamé par le gravier plombé. C'est l'entassement rouillé de sa misère, poussière qui filtre par la climatisation encrassée et les kilomètres dévorés sous l'aurore sanglante. C'est l'acier froid qui enrobe ses fantasmes rêveurs et songes tortueux, c'est à travers le verre fumé de ses vitres que se réveille le jour, et ce sont ses grincements usés qui le berçe. trois. il ne voit qu'horreur dans la beauté, mort dans les rires cristallins, froideur dans les braises crépitantes. sa vision est ébréchée par le défaitisme, gangrenée par les déceptions et l'amertume qui coule dans ses veines. il est le pessimiste exacerbé, perdu dans l'éternité immonde. quatre. jad, c'est le vagabond à la carte flambée, le trajet à la destination gommée. c'est l'errance sans finalité, et le trou béant qui creuse la poitrine. c'est l'homme sans place, sans but, sans appartenance aucune. il s'écorne les pieds dans sa recherche abattue, s'échouant de temps à autres lorsque les marées sont trop houleuses. cinq. les palpitations démentes de son cœur, juste là sous ses côtes fêlées, qui le perde dans leur symphonie brouillonne. c'est son langage emballé qu'il ne comprend pas, qu'il tente de faire mourir sous l'amertume de son âme, mais qui palpite toujours plus dolement à chaque fois qu'il se laisse noyer dans l'océan d'un regard, dans la courbe majestueuse d'une hanche. perdu entre la réalisme raisonnable et la déraison délicieuse de ses sentiments. . six. y'a ses mots qui miroitent dans les siens, ces plis sensibles dans ses traits qui rappellent ceux de son frère. il y a ces mêmes souvenirs qui brillent dans leurs regards, ces mêmes cicatrices qui tranchent le palpitant. elis, c'était le miroir trop beau de ses rêves, le modèle sublime qu'il tentait de remodeler, cherchant toujours à se perdre dans le même chemin. et puis elis, c'était l'abandon brûlant, la désillusion fatale qui l'avait frappé. sept. besoin viscéral d'adrénaline qui glisse dans les veines, il a ce frisson délicieux qui effleure l'échine lorsqu'il n'est plus que brutalité, animal emporté par les tribulations hurlantes. plaisir lorsqu'il entends le craquement de cartilage contre l'angle d'une mâchoire, plaisir lorsqu'il sent le vide béant le happer. lorsqu'il se laisse emporter dans cette valse dangereusement belle avec la mort et son souffle gelé qui s'échoue sur sa peau, le frôle mais jamais ne l'emporte.

C'est le blizzard offusqué qui déroule sa langue fraîche contre sa carcasse. De ceux qui transpercent la peau, de ceux qui amènent avec eux les pensées sombres et les paumes gelées. Il frissonne, s'agite en fracas assourdissants, sens toute chaleur crever doucement. Là, dans l'embrasure rongée de la porte moisie, coincé entre les murs percés de cette maison aux fondations chancelantes. Emprisonné dans ce monde bancal, aux couleurs d'un morne à en déchirer la rétine. Celui aux sourires arrachés, à la pulpe des doigts calcinée, aux dos courbés. Il observe, la pièce étriquée aux murs élimés, suintant d'un basané défraîchi. Il observe, le tissu limé des rideaux onduler sous les bourrasques molles du vent, le parquet aux bois érodé. Il n'y a plus que soupçons de vie, fugaces, qui s'étalent ça et là le long des murs, dans les rainures de l'ébène, au creux de sa poitrine. C'était atrocement vide, les plis encore frais du duvet abandonné sur le lit, jusqu'aux rayons vacants de l'armoire. Tout les soirs, il venait fouler le parquet grinçant avec l'espoir sourd que peut-être, il serait revenu. Qu'il trouverait son regard faucon, et qu'il laisserait l'écho éraillé de sa voix percer le mutisme qui noyait l'habitation. Qu'encore une fois, Elis et Jad se laisseraient glisser dans le confort de la présence de l'autre. Mais il n'y avait plus que sa solitude acerbe qui restait cloîtrée dans la pièce. Elle et les souvenirs décousus de son frère qui s'étaient progressivement éteints, la lanterne clignotante de ses nuits passées dans la violence. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, il l'observait une dernière fois, cette chambre. Cette fois, il partait, étranglé par les hurlements souffreteux de sa mère, écorché par la carrure nauséeuse de l'homme qui parlait des poings. Il se laisserait glisser dans les ténèbres de la nuit, avec simplement la voûte céleste au dessus du chef, et bercé par le sifflement du vent contre le métal de sa voiture, et le crissement furieux de pneus qui s'usent contre l'asphalte inconnu.

Il y a cette cage humaine hurlante autour de lui. Son écho est étouffé dans le dédale sinueux de la ruelle froide. Etranglé par la pénombre dégoulinante qui suinte le longs de murs, glisse dans le caniveau aux relents immondes. La ville est morte, dévorée par les ombres et traversée par les ténèbres malsaine. Elle saigne, ses veines entaillés par le vent acéré et son cadavre fulminant encore, traversé par les quelques lampadaires et leur halo fébrile, nictitant doucement. Il est bête ombrageuse, animal âpre dans la fosse, abusé par les hurlements tonitruants qui s'échappent des gorges folâtres. Subjugué par la cacophonie abjecte des passions déchaînées, simple pantin manipulé par la brutalité, consumé par les vapeurs épaisses de cette rage passagère et meurtrière qui déforme les traits. Il n'est que rictus vorace, souffles embarrassés et crissement de mâchoire crispée. Il n'est qu'acharnement ridicule et impulsions bestiales qui martèlent la poitrine. Son fracas est assourdissant, déchire les tympans, détruit la lucidité et l'humanité cassée qui git quelque part, éventrée sous ses semelles râpées, trouées par ses déambulations. Et, sous la lueur terne et décolorée, il se fait danseur. Céleste, à l'âme légère. Sa valse est rythmée par les craquements sinistres que ses phalanges éraflées abandonnent ça et là, à l'angle d'une mâchoire, contre une arcade sourcilière éclatée. Il colore les peaux de rouge, taillade les figures d'ecchymoses céruléennes, de bleus parmes et de tâches rousses. Il redonne l'éclat aux mines cireuses, la couleur aux teints monochromes. Et la danse s'achève, avec le déclin de cette silhouette trop épaisse. Celle qui vient s'échouer mollement au sol, le corps brisé et les lèvres ruisselantes. A contre mesure, c'est la fausse note finale qui brise l'harmonie laide qui les emmuraient. Et puis, le tintement strident de ces pièces à l'or sale qui s'entrechoquent dans ses poches à la trame usée par le ressac des années amères. Richesse dérisoire, encrassée par le sang et la saleté.